1909 - 1943 : Les années d’enfermement




Des crises de paranoïa délirante, centrées sur « la bande à Rodin », affectent la créativité de Camille Claudel, jusqu’à la tarir. Elle est internée le 10 mars 1913, pour le restant de ses jours.


Destructions 

A partir de 1911, l’état de santé physique et mentale de Camille Claudel devient réellement préoccupant. Elle ne sculpte plus et mène une vie misérable, barricadée dans son logement persuadée que « la bande à Rodin » la persécute. Elle détruit certaines de ses œuvres, comme en témoigne une lettre écrite vers 1912 à sa cousine Henriette Thierry : 
« Lorsque j’ai reçu votre lettre de faire-part, j’étais dans une telle colère que j’ai pris toutes mes esquisses de cire, je les ai flanquées dans le feu, ça m’a fait une belle flambée, je me suis chauffée les pieds à la lueur de l'incendie, c’est comme ça que je fais quand il m’arrive quelque chose de désagréable, je prends mon marteau et j’écrabouille un bonhomme. (…) 
La grande statue a suivi de près le sort malheureux de ses petites sœurs en cire car la mort d’Henri a été suivie quelques jours après d’une autre mauvaise nouvelle (…). Aussi beaucoup d’autres exécutions capitales ont eu lieu aussitôt après, un monceau de plâtras s’accumule au milieu de mon atelier, c’est un véritable sacrifice humain. » 

1913 : l’internement

Le 3 mars 1913, Louis-Prosper Claudel meurt à Villeneuve-sur-Fère. N’étant pas informée du décès, Camille Claudel n’assiste pas aux obsèques de son père qui lui avait toujours manifesté amour et protection. 
Le 7 mars, constatant la psychose délirante de l’artiste, le docteur Michaux rédige un certificat d'internement et le 10 mars, elle est internée à l’hôpital de Ville-Evrard, en région parisienne. La procédure utilisée est celle du « placement volontaire » demandé par sa mère. Camille Claudel a 48 ans. 
En raison de la guerre, Camille Claudel est transférée à l'asile de Montdevergues à Montfavet dans le Vaucluse en septembre 1914. 
Elle ne sculpte pas et ne reçoit aucune visite de sa mère, qui meurt en 1929, ni de sa sœur, décédée en 1935. Retenu à l’étranger par ses fonctions diplomatiques, son frère Paul vient la voir une douzaine de fois. En 1929, sa vieille amie, Jessie Lipscomb, lui rend visite avec son époux à l’occasion d’un voyage en Europe. Cette rencontre est immortalisée par une photographie. 
Camille Claudel meurt le 19 octobre 1943 à l’âge de soixante-dix-huit ans. Son frère lui avait rendu une dernière visite le 21 septembre. Elle est inhumée au cimetière de Montfavet dans une tombe provisoire avant que sa dépouille ne soit transférée, dix ans plus tard, dans une fosse commune. 

Lente reconnaissance 

En 1914, alors qu’Auguste Rodin prépare l’établissement de son musée dans l’hôtel Biron, Mathias Morhardt lui propose d’y réserver une salle aux œuvres de Camille Claudel. Rodin approuve l’initiative, mais Paul Claudel s’y oppose catégoriquement. Rodin meurt le 17 novembre 1917. 
Entre 1934 et 1938, des œuvres de Camille Claudel sont exposées au Salon des femmes artistes modernes (L’Implorante, La Valse, Buste de Rodin).  
En 1949, contre toute attente, Paul Claudel sollicité le musée Rodin pour organiser une rétrospective de l’œuvre de sa sœur. Une collaboration étroite s’établit entre Cécile Goldscheider et le poète, auteur de la préface du catalogue, « Ma sœur Camille », dans laquelle il dresse une étude de l’œuvre et un portrait intime de l’artiste. La grande rétrospective est inaugurée  le 16 novembre 1951. En 1952, Paul Claudel offre quatre œuvres essentielles au musée Rodin : les deux versions de L’ Âge mûr, Vertumne et Pomone et Clotho
Exceptée cette exposition, Camille Claudel tombe dans un profond oubli pendant plusieurs décennies. Il faut attendre les années 1980 pour que commence la lente reconnaissance de son œuvre grâce au travail des historiens de l’art, qui aboutit à l’ouverture du musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine, en mars 2017.