Loin du monde

ALLOUARD Henri
Loin du monde Loin du monde

Loin du monde

ALLOUARD Henri (1844-1929)
1894 Marbre H. 195 cm • L. 70 cm • Pr. 84 cm Origine : Dépôt du musée d’Orsay en 2005 N° d'inventaire : RF1040 Copyright : musée Camille Claudel / Yves Bourel

Héloïse (1101-1164), femme de lettres, épouse d’Abélard et première abbesse du Paraclet.


Cette grande silhouette solennelle et silencieuse, drapée de marbre gris bleuté, semble retranchée en elle-même. Elle évoque Héloïse (vers 1092-1164), une intellectuelle, poétesse et chansonnière qui fut l'une des femmes les plus brillantes de son temps. Elle a formé, avec le non moins célèbre philosophe Abélard, un couple mythique dont les amours ont été transmis à la postérité par leur correspondance et par le récit d'Abélard, Histoire de mes malheurs (vers 1132). D'abord élève et maître, Héloïse et Abélard sont rapidement devenus amants. Leur histoire rocambolesque est ponctuée de séparations forcées, d'enlèvements, de fuites, d'accouchement secret jusqu'à la terrible émasculation d'Abélard. Ils entrent alors tous deux dans les ordres et entament une correspondance. Héloïse devient en 1130 la première abbesse du Paraclet, à quelques kilomètres de Nogent-sur-Seine. Elle fera de cette abbaye un centre intellectuel hors pair avant d'y être inhumée, en 1164 avec Abélard qui y reposait depuis 1144. En 1819, leurs cendres ont été transférées au cimetière du Père Lachaise à Paris.

Si l'histoire des amants est célèbre dès le XIIIe siècle, elle connaît un succès considérable à partir de la fin du XVIIIe siècle. De nombreux artistes représentent les amants enlacés, ou éplorés à la lecture d'une lettre de l'absent. Ici, Allouard propose une interprétation austère. Il représente l'abbesse profondément plongée dans ses rêveries, un livre de prière à la main, sans que l'on puisse dire cependant si elle est tournée vers des pensées spirituelles ou plus charnelles. Pendant des années, cette sculpture était présentée à l'extérieur. Les intempéries ont érodé le marbre, faisant saillir les veines de la pierre, ce qui accentue les reliefs du tissu aux lourds plis tombants et lui confère un aspect moiré, aussi réussi qu’involontaire.